Le document unique d’évaluation des risques (DUER)
Stéphanie DOS SANTOS associée du cabinet DLLP, vous explique comment bien réaliser ou mettre à jour le document unique d’évaluation des risques (DUER) en moins de 15 minutes.
Le document unique d’évaluation des risques, ou DUER, existe depuis 2001 en droit français.
Toutefois, il a subi un relatif manque d’intérêt de nombreuses entreprises depuis cette époque. Dans le cadre de la pandémie liée au coronavirus, le caractère obligatoire du DUER nous est rappelé avec force. Ainsi, depuis le tout début de l’épidémie, le ministère du Travail a rappelé la nécessité de faire le point sur l’exposition des salariés aux risques liés au coronavirus et de mettre à jour le document unique d’évaluation de ces risques.
Le DUER est également présenté comme LE véritable outil du déconfinement, pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
En l’occurrence, même le géant Amazon a été limité dans ses possibilités de réouverture justement parce que les mesures mises en œuvre par elles, dans le cadre du DUER ont été jugées insuffisantes. De nombreuses entreprises ont déjà mis en place des démarches de prévention et de protection dans le respect des gestes barrières, sans pour autant formaliser ces actions dans le cadre d’un document spécifique. Il est pourtant indispensable, notamment afin de pouvoir justifier des actions entreprises, de consigner ces actions dans le DUER. La démarche à respecter est identique quelle que soit la taille l’entreprise. La première étape consiste à déterminer des unités de travail. Le DUER est souvent réalisé sur un document de type tableau Excel. La première colonne sera donc destinée à recueillir le nom des différentes unités de travail répertoriées. Ces unités de travail sont constituées par un ensemble de salariés ayant des conditions de travail identiques.
Le plus simple est généralement de raisonner par postes de travail. Ainsi, une boulangerie regroupe une unité de travail de vendeurs, une unité de travail de Boulangers voire même une unité travail de pâtissiers, amenés à utiliser des outils différents. Mais cette notion d’unité de travail peut également correspondre à des sites de travail où les salariés partagent les mêmes conditions de travail, par exemple. Il convient ensuite de faire le point sur les situations dangereuses existantes pour chaque unité de travail.
Il faut raisonner en deux temps
Identifier la situation en tant que telle d’une part, et le risque engendré d’autre part. La deuxième colonne peut donc être consacrée à la liste des situations dangereuses par unité de travail, et la troisième colonne aux risque afférents. Par exemple, une vendeuse en boulangerie sera amenée à rester debout de façon prolongée, ce qui constitue une situation dangereuse. Elle peut alors être sujette à des douleurs dorsales, lombaires, cervicales, identifiées dans la catégorie des troubles musculo squelettiques. Il est donc pertinent d’identifier chaque situation, dans chaque unité de travail et de lister à la suite de cela les risques afférents à chacune des situations dangereuses.
Afin de faire l’inventaire des différentes situations dangereuses et des risques engendrés, il est pertinent de rechercher quel accident du travail ou maladie professionnelle sont survenus dans le passé dans l’entreprise. Il peut aussi être très utile de prendre connaissance des éventuelles dispositions des accords conclus au sein de la branche professionnelle sur le sujet. Il convient de noter que le code du travail précise que cette évaluation des risques tient compte de « l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ». Autrement dit, il convient en principe d’analyser quels sont les conséquences sur la santé de l’exposition aux risques selon que l’on est un homme ou une femme. À noter également que le l’inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail comprend également l’analyse des risques liés aux ambiances thermiques. Il s’agit tant de l’exposition au froid, pour les personnes amenées à travailler dans des chambres froides, que l’exposition au chaud, pour les personnes exposées à de fortes chaleurs. Après avoir déterminé situation dangereuse et risque, il convient de qualifier le risque de façon à déterminer son caractère plus ou moins prioritaire par rapport aux autres risques existants au sein de l’unité de travail. C’est l’objet de la quatrième colonne.
Pour qualifier ce risque, on peut prendre en considération notamment les deux éléments suivants :
- d’une part la gravité potentielle des lésions pouvant être entraînées par ce risque
- d’autre part la fréquence potentielle de l’apparition de lésions en lien avec ce risque.
Ainsi, une note allant de 1 à 3 peut être donnée au degré de gravité du risque et une note de 1 à 3 peut également être donnée à la fréquence d’apparition de risque. La multiplication de ces deux coefficients permet de qualifier le risque et son caractère plus ou moins prioritaire. Une légende peut utilement être mentionnée au document à cet égard. Dans le cadre de ce travail d’évaluation des risques, il convient de garder à l’esprit les principes directeurs suivants :
- La réalisation du DUER suppose une démarche collective, de sorte qu’il convient d’échanger avec les salariés, qui sont les premiers bénéficiaires de la démarche ;
- De même, il convient d’échanger avec les représentants du personnel sur le sujet, Amazon s’est notamment vu reprocher l’insuffisance de consultation des représentants du personnel dans la démarche.
- Toutefois, il n’y a pas juridiquement d’obligation de validation du document par les salariés.
Ainsi l’évaluation des risques est bien de la responsabilité de l’employeur, qui reste responsable de l’évaluation de la gravité des risques et de leur caractère prioritaire.
Les échanges avec les salariés et représentants du personnel peuvent utilement être annexés au DUER.
Il est pertinent également de se rapprocher du médecin du travail en charge du suivi de l’entreprise, et ce d’autant plus que le médecin du travail fait partie des personnes à la disposition desquelles le document doit être tenu. Là aussi, les échanges avec le médecin doivent être consignés en marge du DUER. Ces annexes être mentionnées dans le corps même du DUER. Il faut également garder à l’esprit que l’établissement du DUER n’est qu’une première étape d’un processus d’amélioration continue des pratiques de l’entreprise. Ainsi, le document n’a pas vocation à rester figé.
Les textes prévoient d’ailleurs qu’il fasse l’objet d’une mise à jour chaque année, l’idée étant qu’un point soit fait à échéance régulière sur la pertinence des informations y figurant et sur l’adéquation des actions correctives mises en œuvre. Il s’agit donc d’un document évolutif par nature qui va permettre de répertorier les actions déjà menées par l’entreprise et celles qui restent à mettre en œuvre. Ainsi, une fois les situations déterminées, une fois le risque qualifié, il est pertinent d’inscrire dans une 5ème colonne quelles sont les actions qui ont déjà été menées par l’entreprise. Pour une problématique de station debout prolongée, la mise en place d’un roulement entre vendeuses, et de courtes pauses régulières, peuvent être des pistes de réflexion.
Cette démarche est importante pour les employeurs qui souhaitent démontrer qu’ils ont assumé leurs responsabilités et agi en conformité avec leur obligation de sécurité vis-à-vis des salariés. Il est donc fondamental de bien renseigner les démarches menées.
Enfin, l’employeur doit également réfléchir et renseigner avec précision la toute dernière colonne du tableau, relatives aux actions programmées pour l’avenir.
À cet égard, il doit non seulement lister les mesures à mettre en œuvre, mais encore de déterminer un calendrier de réalisation cohérent, et un responsable du suivi de la bonne réalisation des actions programmées.
Les mesures à mettre en œuvre ne sont pas nécessairement coûteuses, mais demandent bien souvent de simplement prendre le temps de réfléchir à une organisation optimisée. Pour des troubles musculo-squelettiques, l’organisation d’une formation gestes et postures, éventuellement finançable, peut être une solution efficace. Pour ce qui est du coronavirus, il est répertorié en tant que risque biologique. S’agissant de la détermination de la gravité du risque, il semble prudent, compte tenu de l’ampleur des mesures mises en œuvre par les différents gouvernements à travers le monde, de classer ce risque en catégorie 3. Il n’est pas inconcevable de le classer en catégorie 3 s’agissant de sa fréquence également, en raison de sa contagiosité.
Compte tenu du nombre souvent important de mesures mises en place, il n’est pas incohérent de préparer un document qui pourrait s’intituler, plan Covid 19, et qui serait annexé au DUER. La colonne du DUER mentionnerait ainsi simplement le renvoi à l’annexe. Voir colonne. Pour déterminer les mesures à mettre en œuvre, il est pertinent de lire le protocole de déconfinement mis à disposition sur le site du ministère du travail, mais aussi les fiches métiers préparées par le Ministère ou par les branches professionnelles, qui sont disponibles sous l’onglet le ministère en action, covid-19, Protéger les travailleurs.
On peut répertorier les mesures envisageables, sous 2 grandes catégories : celles destinées à éviter les contacts étroits entre les personnes, et celles destinées à éviter les contacts avec des objets potentiellement contaminés, ou à assurer les mesures d’hygiène des objets.
A titre d’exemple, pour la première catégorie, les contacts étroits, on peut envisager par exemple les mesures suivantes :
Eviter les contacts étroits :
- La mise en place du télétravail
- L’organisation d’un sens unique de circulation au sein des locaux ; si la configuration du bâtiment le permet, les portes d’entrée et de sortie doivent être différenciées afin d’éviter le croisement des personnes
- L’affichage des gestes barrières à respecter, notamment des mesures de distanciation sociale d’1,5 m
- Les aménagements des espaces communs avec positionnement des sièges de façon à respecter les distances adéquates
- L’organisation des rendez-vous de façon suffisamment espacée dans le temps pour éviter un trop grand nombre de personnes physiquement présentes au même moment
- La limitation des rendez-vous physiques
- L’aménagement des horaires de travail tout au long de la journée pour éviter un trop grand nombre de personnes en même temps dans les locaux
- L’invitation des visiteurs à porter un masque pour accéder aux locaux
- L’attribution d’un bureau par personne et si ce n’est pas possible, la mise en place d’un marquage au sol permettant de visualiser l’espace attribué, en conformité avec la « jauge par espace ouvert » déterminée dans le protocole de déconfinement du ministère du Travail
- La réalisation d’une formation des salariés aux gestes barrières
- Le cas échéant, la mise à disposition de masques pour les membres du personnel et/ ou les visiteurs, avec formation du personnel sur l’utilisation des masques et leur entretien
- Dans les ascenseurs : la limitation du nombre de personnes autorisées et l’affichage clair des consignes à respecter sur les paliers ;
- En cas d’intervention d’un prestataire extérieur, le balisage de délimitation de sa zone d’intervention
- Attention : le parking fait partie des lieux de travail pour les salariés, cette zone doit être intégrée dans les mesures de prévention (plan de circulation, gestion des emplacements et des flux…)
Le DUER peut également rappeler le protocole à suivre à la découverte d’une personne symptomatique, dans les termes suivants :
- 1. Isoler la personne symptomatique dans une pièce dédiée en appliquant immédiatement les gestes barrières, garder une distance raisonnable avec elle, avec port d’un masque
- 2. Mobiliser le professionnel de santé dédié de l’établissement, ou le référent COVID de l’entreprise, selon organisation locale. Lui fournir un masque avant son intervention
- 3. En l’absence de signe de gravité, contacter le médecin du travail ou demander à la personne de contacter son médecin traitant pour avis médical. En cas de confirmation d’absence de signes de gravité, organiser son retour à domicile en évitant les transports en commun. En cas de signe de gravité (ex. détresse respiratoire), appeler le SAMU en composant le 15
- 4. Après la prise en charge de la personne, prendre contact avec le service de santé au travail et suivre ses consignes, y compris pour le nettoyage complet du poste de travail et le suivi des salariés
A noter que le télétravail, s’il est une solution pour éviter les contacts étroits, est aussi une situation potentiellement dangereuse.
En effet, cette organisation du travail à distance peut être vécue comme un véritable épanouissement mais aussi comme une situation anxiogène pour le salarié, qui pourra ressentir un isolement ou encore une absence de frontière entre vie personnelle et professionnelle perturbatrice. Cette situation engendre ainsi un risque psychosocial, à traiter en tant que tel.
Au titre des mesures pouvant être mises en place afin de prévenir ce risque psychosocial, l’on mentionner notamment :
- La mise en place de réunions régulières par visioconférence afin d’entretenir un lien social entre collaborateurs ;
- Le respect du droit à la déconnexion du salarié en déterminant par exemple des plages horaires pendant lesquelles le salarié peut être sollicité et d’autres pendant lequel les sollicitations sont exclues, ente autres éléments,
À noter que pour être complet le DUER doit contenir en annexe les documents relatifs à l’évaluation de la pénibilité au sein de l’entreprise, s’ils ont été recensés.
Enfin, il convient de préciser que le DUER doit être accessible pour les salariés, sachant qu’un avis indiquant les modalités d’accès des travailleurs au document unique doit être affiché dans l’entreprise. Vous disposez désormais de quelques armes supplémentaires afin de vous lancer dans la rédaction de votre propre document à partir de cette démarche descriptive.
Le cabinet DLLP reste à votre disposition pour vous aider dans cette démarche.